Chouette, une lettre à envoyer !

Regulus Black était chargé de la noble et délicate mission d'informer, chaque semaine, ses parents de ce qu'il se passait au Collège Poudlard. Le Serpentard effectuait sa tâche avec zèle, certes, mais il y avait tout de même des choses bien plus passionnantes à faire qu'écrire chaque semaine - chaque jeudi soir, pourquoi le jeudi ? - des lettres à sa famille. Et il ne pouvait même pas prétendre garder un oeil sur Sirius, ce qui aurait pourtant pu se révéler très instructif, pour la simple et bonne raison que sa mère ne voulait plus entendre parler de ce traître à son sang, et que de toute manière, Sirius avait le don pour disparaître et apparaître comme cela lui chantait. Les tours de passe-passe de son frère finissaient par l'irriter au plus au point.

Le jeune Black commença son ascencion des marches de la Tour Ouest, sans chercher à réprimer un soupir. Dans sa main, la lettre adressée au 12 Square Grimmaurd était cachetée, et il prenait soin de ne pas trop serrer le poing pour ne pas la froisser. Le soleil se levait juste sur l'Ecosse, et le jeune homme aurait encore une ou deux heures devant lui avant que les cours ne commencent. Il se prit alors à imaginer comment il allait occuper ces deux heures, ses pensées dérivant bien loin de ses parents et du contenu de sa lettre. Il irait prendre un petit déjeuner dans la Grande Salle - Sirius et ses comparses ne seraient pas encore levés, sauf peut-être Lupin - puis il irait peut-être lire un livre dans la salle commune. Ou réviser ses cours avant que la journée ne commencât vraiment. Rien de bien passionant, en somme, mais tous ne pouvaient prétendre à élaborer des plans dont le seul but était de perturber la vie à Poudlard et rire aux dépends des autres.

Une plume blanche passa juste sous son nez, et il se rendit compte qu'il était presque arrivé à la porte de la volière. Il plissa légèrement le nez en une grimace de dégoût, repoussant une fine mèche de cheveux qui tombait sur ses yeux. Merlin, qu'il n'aimait pas les chouettes. Il ne savait jamais comment s'y prendre avec elles, comme avec n'importe quel autre animal, d'ailleurs. Les elfes de maison passaient encore, mais le reste.. La plupart étaient suceptibles, imprévisibles, et surtout, à ses yeux, inutiles. Généralement, son malaise était perçu par l'animal qui se trouvait en face de lui, et les deux partis restaient excessivement méfiants. En gros, il n'avait aucune affinité patriculière avec eux, et ils le lui rendaient bien.

Il poussa la porte et pénétra dans la grande pièce. La plupart des chouettes et hiboux étaient endormis ou somnolaient sur leur perchoir. Charmant. En plus, il devait les réveiller, et il se doutait fort que cela ne leur plairait guère d'être sortis de leur sommeil. Regulus s'avança vers la partie réservée aux hiboux de l'école et entreprit de trouver un volatile qui avait l'air assez calme. D'un autre côté, vu l'heure matinale, ils avaient tous l'air de l'être. Il opta pour une belle chouette au plumage fauve qui ouvrit un oeil à son approche. Du bout de ses longs doigts fins, le Serpentard attacha la lettre à la patte de la chouette, qui ne le quittait pas des yeux. Par Salazar, qu'avait-elle donc à l'observer ainsi ? N'avait-elle jamais vu d'élève de sa vie ? Sans lui demander son avis, l'animal vint de poster sur l'épaule de Regulus, qui eut un brusque mouvement de recul. Il sentit les serres s'enfoncer doucement dans sa peau, et il pria fortement pour que la chouette ne se mette pas en tête de lui labourer l'épaule. C'était bête, mais il l'aimait bien, son épaule, et elle pouvait encore lui être utile.

D'un geste fébrile, il vit volte face et s'avança lentement vers l'une des larges ouvertures de la volière. Arrivé devant, il observa un instant l'horizon, puis leva ses yeux sombres vers le rapace qui le scrutait toujours. Il déglutit plus ou moins péniblement, puis ordonna d'une voix qui se voulait ferme :

« Apporte cette lettre à la famille Black. 12 Square Grimmaurd, à Londres. »

La chouette s'envola aussitôt. Regulus soupira et massa machinalement son épaule tout en la regardant s'éloigner. Hm. Il ne s'en était pas trop mal sorti, pour une fois. Sans plus s'attarder, le jeune homme fit demi-tour et se dirigea vers la porte, sous les regards perçants des quelques hiboux réveillés par son intrusion.

Sirius se dirigeait d'un pas joyeux vers la Volière. Il avait parlé de son idée à James et celui-ci avait tout de suite approuvé. Non pas que Sirius en doutait... Il connaissait son meilleur ami par coeur, et savait qu'il pouvait compter sur lui. A peine Black avait-il émis son idée que Potter s'était empressé de dire que ses parents seraient également d'accord. Il l'esperait en tout cas. Il fallait tout de même les prévenir par hibou pour leur demander leur avis.

Sur le chemin qui le menait à la volière, le jeune Gryffondor se remit à penser à tout cela. S'il allait vraiment vivre chez les Potter à partir des prochaines vacances, ce serait vraiment génial! Il ne verrait plus son hystérique de mère... ni les yeux noirs de tous les membres de sa famille lorsqu'il croisait leur route. Bien qu'il se fiche de leur avis, cela agacait toutefois Sirius, qui regrettait de ne pas vivre en paix. Il devait sans cesse se justifier, pour le moindre de ses actes. Et ça! Ca, ça le mettait en rogne, lui qui tenait tant à son indépendance et sa liberté.

Bon... il devait bien se l'avouer, pas mal de chose allait tout de même lui manquer. Sa cousine Androméda pour commencer. Il se sentait un peu coupable de la laisser entre les mains des autres Black. C'était probablement l'une des seules "normales" dans cette famille...

Marquant un temps de pose devant la porte, Sirius se passa une main lasse sur le visage. Il y avait son frère aussi. A qui il tenait mais qui l'avait tellement déçu lors des précédentes années. Il ne savait jamais comment agir avec lui, comment lui parler. Devait-il le considerer comme un ennemi ou un allié? Sirius préférait se méfiait. Les Black étaient tellement cruels qui pouvaient utiliser Regulus sans que ce dernier ne s'en rende compte. Quoiqu'il arrive... Qu'il quitte la maison familiale ou pas... Cela n'allait pas changer grand chose. Les deux enfants Black ne se voyaient plus beaucoup depuis un certain temps. Ils s'évitaient. Logeaient les couloirs... Ne s'adressant que trés rarement la parole. Ca en devenait invivable.

Quelle était la meilleure solution? Il en avait aucune idée malheureusement. A présent, il allait envoyer cette lettre... Et il esperait que les parents Potter acceptent sa proposition.

Prenant une profonde inspiration, comme pour se donner du courage, Sirius poussa la porte et pénétra dans la volière... Et se retrouva immédiatement nez à nez avec l'objet de ses réflexions. Il fronça aussitôt les yeux et s'immobilisa.

Un silence s'installa durant lequel les deux frères s'observèrent et s'affrontèrent pour ainsi dire du regard. Au bout de quelques minutes, Sirius sortit sa lettre de sa poche et s'éloigna de lui. Il ne savait pas trop quoi dire à son jeune frère. Il n'arrivait pas à savoir ce qui se passait dans la tête de ce dernier. Si Regulus tenait à lui parler, il fallait qu'il fasse lui même le premier pas, quoiqu'il en soit.

La main de Regulus était presque posée sur la poignée lorsque la porte s'ouvrit, manquant de le heurter. Il recula prestement, surpris de rencontrer quelqu'un à une heure aussi matinale, et se retrouva nez à nez avec son frère. Le jeune Black retint un soupir exaspéré, ainsi qu'un sourire. Sourire qui aurait pu être parfaitement naturel et avenant, mais qui mourut sur ses lèvres à peine celles-ci eurent commencé à s'arquer. Un réflexe datant de son enfance, ce sourire, probablement. Visiblement, il s'était trompé, son frère pouvait se lever tôt aussi, quand il le voulait. Regulus savait bien qu'ils ne pourraient s'éviter éternellement, mais moins ils se croisaient, mieux c'était pour tout le monde. Au moins, quand il n'était pas à proximité de Sirius, Regulus était sûr ne de pas commettre d'écarts de conduite. On lui avait rabâché tant d'histoires sur son frère, et on lui avait tellement répété qu'il ne devait en aucun cas s'approcher de lui qu'il ne savait plus qui il était censé croire. Et il ne parvenait pas à se faire d'opinion sur tout ça. La haine de Sirius envers les Serpentards était presque légendaire, et son frère n'était pas du genre à faire dans la demi-mesure. Il ne ferait sûrement pas exception à la règle sous prétexte qu'un jour, ils avaient eu une véritable relation fraternelle.

Ils se dévisagèrent longuement en chiens de faïence. Bien décidé à ne pas ciller, le Serpentard fixait son aîné comme s'il avait voulu forer un trou dans son crâne et le transpercer de part en part. Partagé entre l'envie de délencher les hostilités et celle de le saluer calmement, il préférait encore lui lancer ce regard suintant de fiel plutôt que de faire preuve de bons sentiments. Il se trouvait bien assez faible comme ça, il n'allait pas en plus donner une nouvelle occasion à son frère de rire de lui, comme il devait souvent le faire avec ses amis. En vérité, Regulus n'en avait aucune idée. Mais on lui avait appris à toujours s'attendre au pire, alors c'est ce qu'il faisait. Probablement à tort, mais c'était tellement plus simple de se dire qu'il avait raison.

Puis le Gryffondor sortit une lettre de sa poche et s'éloigna. Regulus s'écarta pour lui laisser le passage, sans prononcer un mot. Il resta droit comme un I à côté de la porte, suivant du coin de l'oeil chaque mouvement que faisait son frère. Aussi fier qu'un Hippogriffe, il ignora superbement ce pincement à la poitrine en constatant qu'au final, son aîné ne lui témoignait qu'indifférence. Il préféra plutôt se dire qu'il avait attrapé froid, et rien d'autre. Il vit Sirius choisir un hibou pour envoyer sa lettre, ainsi qu'il l'avait fait quelques minutes auparavant, et fut agacé de voir à quel point il semblait à l'aise avec les animaux, contrairement à lui. C'en était rageant. Encore un point sur lequel ils différaient complètement, et où il lui était - une fois de plus - supérieur.

Le regard du Serpentard glissa vers la porte. Il était peut-être temps d'envisager une retraite dans sa salle commune. Mais il n'en fit rien. Au contraire, il s'adossa au mur, bras croisés sur sa poitrine, et continua d'observer son frère, comme pour lui rappeler qu'il était là. Tout au fond de lui, il voulait attirer l'attention, il voulait que son aîné le regarde, peut-être comme avant, sans aucune trace d'hostilité dans ces prunelles grises. Mais ça, Regulus ne l'avouerait jamais. Au bout d'un certain temps, il desserra les mâchoires et articula d'une voix traînante, un sourire froid au coin des lèvres :

« Je présume que cette lettre n'est pas destinée à nos parents, uh ? »

Evidemment qu'elle ne l'était pas. Déjà que Sirius n'était pas du genre à écrire des lettres, il était clair qu'il était encore moins enclin à prendre sa plume pour écrire aux parents Black.

Regulus ne semblait pas être dans ses beaux jours... en tout cas pas vis à vis de lui. Mais à quoi Sirius s'attendait-il de toute manière? Son frère faisait partis des Serpentards aprés tout! Et cela était censé expliquer plein de chose. Seulement voilà, Regulus avait beau être son frère, Sirius de son côté avait du mal à cerner son caractère. Il avait l'impression que son frère chauffait le chaud puis le froid. Impossible de prévoir ses réactions. Voilà pourquoi il l'évitait le plus souvent possible... Enfin... entre autre.

Bref, à présent Sirius attachait tranquillement sa lettre sur la patte d'un des hiboux. Ce dernier s'était approché lentement et se laissait faire sans rochonner. Pourtant, Sirius n'était pas un habitué des lieux. Il n'était pas du genre à avoir de longues correspondances. En réalité, c'était bien la première fois depuis des siècles qu'il envoyait un hibou. Pendant les vacances d'Eté, il communicait d'une autre manière avec ses trois amis. Les hiboux étaient facilement interceptable, surtout par les membres de sa famille qui semblait gueter ses gestes en sa présence. Mais lorsqu'il était à Poudlard, c'était comme s'il avait cessé d'exister. Seul Regulus avait de l'importance à leur yeux. Et si Sirius ne s'était pas moqué de l'opinion des autres, il aurait presque pu en être jaloux. Ce qui était le cas, d'une certaine manière.

Dos à son frère, il ne pouvait deviner les pensées de ce dernier mais sentiait son regard sombre posé sur lui. Sans pour autant se presser, il finit sa tache, caressa un moment la chouette et alla à la fenêtre. Il avait trés bien entendu la question de Regulus... ou plutot la remarque car il devait trés bien se douter de la réponse. Sirius ne répondit cependant pas tout de suite. Il s'acouda à la fenêtre, et laissa l'animal s'envoler. Ses yeux noirs le suivirent des yeux, jusqu'à ce qu'il ne devienne qu'un tout petit point noir dans le ciel. Là, seulement, il prit la peine de répondre:

" Tu présumes bien, comme toujours..."

Le jeune Gryffondor n'avait pu retenir la note de sarcasme dans la voix. Il avait beau se faire une raison, il ne supportait pas de voir son frère jouer les chiens chiens obéissant auprés de leur parent. C'était, selon lui, une preuve de manque de caractère.

Il ne rajouta rien de plus. Ce que contenait cette lettre ne le concernait pas... en tout cas, pas de manière directe. D'ailleurs, il préferait garder son contenu secret pour le moment. Il savait que Regulus écrivait souvent aux Black. Or, Sirius ne voulait pas que ces derniers soient au courant de ses projets. D'autant qu'il n'était toujours pas fixés et sur.

Se retournant enfin vers son petit frère, Sirius resta adossa à la fenêtre et posa son regard sombre et quelque peu dangereux sur Regulus. Il l'observa un long moment en silence avant de reprendre à son tour.

" Et je présume que TOI, tu as écris à nos chers parents chéris..."

L'allusion ne pouvait être plus grande! Sirius reprochait haut et fort le fait que Regulus était tout simplement un léche botte! Ne pouvait-il pas se débrouiller seul et prendre des décisions par lui même? Au lieu de suivre à la lettre les ordres de leur chère maman hystérique.

Sirius mit du temps à répondre. Beaucoup de temps. Tellement que Regulus se demanda s'il allait l'ignorer superbement, et il envisagea alors de sortir sans plus attendre. Cette situation qui persistait depuis des mois avait le don d'agacer Regulus au plus haut point. Il ne savait pas à quoi s'en tenir avec Sirius, et là où il aurait préféré la violence, la haine, les coups et les injures, son aîné ne lui montrait qu'indifférence. Le calme olympien dont il semblait faire preuve donnait au Serpentard l'envie de le secouer comme un prunier pour le faire réagir, afin de s'assurer qu'il continuait bel et bien d'éveiller des sentiments chez son frère, même les plus sombres et malsains. C'était insupportable.

Le Gryffondor répondit par l'affirmative, et Regulus pensa que la conversation s'arrêterait là. Il ne savait qu'ajouter d'autre, et Sirius ne semblait pas enclin à continuer cette charmante - bien que brève - discussion. Il allait esquisser un mouvement vers la porte lorsque son aîné se tourna vers lui pour l'observer. Ah ! Il connaissait ce regard. Il y percevait quelque chose, une lueur inqualifiable, comme une menace sourde et implicite. Peut-être allaient-ils enfin s'aventurer sur un terrain un peu plus dangereux. Cela faisait des mois que ça n'était pas arrivé. Des mois que Sirius n'avait pas eu le dessus sur son cadet. A croire que Regulus cherchait les ennuis.. Ce n'était pas tout à fait faux. Ca lui permettait d'alimenter sa haine injustifiée envers son frère, et par conséquent, de ne pas douter quant aux choix à faire, ou la conduite à adopter.

Il ne voulait pas avoir à choisir entre son frère et sa famille. Il était alors bien plus simple de trouver des prétextes stupides pour haïr l'un, et pouvoir ainsi rester avec l'autre. Oui. Ca s'appelait fuir ses responsabilités et choisir la facilité. Il ne fallait pas trop en demander aux Serpentards.

Puis Sirius ouvrit de nouveau la bouche. Un sourire froid et mauvais vint jouer sur les lèvres closes de Regulus, qui pencha légèrement la tête sur le côté avant de répondre :

« Oh ? Ravi de constater que tu les considères encore comme tes parents.. En revanche, je ne peux pas vraiment affirmer que la réciproque soit vraie. »

Il replaça d'un geste nonchalant une mèche de cheveux qui lui tombait devant les yeux, un air arrogant fabriqué de toutes pièces sur le visage.

« Il faut bien que l'un d'entre nous continue de s'occuper de cette famille. »

C'était probablement très lâche de sa part de dire ça, mais Regulus n'en avait rien à faire. Sirius était devenu comme un étranger à cette famille. Sirius ne participait plus aux repas. Sirius ne prenait plus part aux - rares - conversations civilisées qui avaient lieu dans la maison pendant l'été. Sirius n'avait fait aucun effort pour que la famille Black reste soudée. Sirius ne s'occupait plus de son cadet, comme il le faisait lorsqu'ils étaient petits. Et même s'il aurait préféré mourir plutôt que de l'avouer, c'était bien ce dernier point le plus douloureux à accepter.

Sirius tressaillit à la remarque de son frère mais n'en laissa rien paraitre. Regulus semblait croire qu'il faisait exprés de pousser ses parents à bout, de contester leur dires, etc... Ce qui n'était pas le cas. Si sa trés noble famille avait été plus tolérante, et moins arrogante, il n'y aurait jamais eut de problèmes entre eux... Mais ce n'était pas le cas. Et la vie se pouvait se basser que sur des si. Quant aux paroles de son frère... En réalité, il avait tord. Sirius ne considérait plus ses parents en tant que tel depuis un certains bout de temps. Il avait bien entendu employé le ton de l'ironie tout à l'heure en en parlant.

Tout en gardant une allure nonchalante, comme il avait l'habitude de le faire, Sirius continua de fixer son frère. Etait-ce intensionnel ou pas? Quoiqu'il en soit, les paroles de Regulus étaient pires que du venin et Sirius avait l'impression de tout se prendre en pleine face. D'autant que son petit frère semblait décidé à le remplacer au sein des Black. Le jeune gryffondor ne sut s'il devait avoir pitié de lui ou être en colère. Contrairement à ce que tout le monde pensait, Sirius tenait beaucoup à son frère. Il était seulement et surtout déçu de ses choix.

Regulus comptait s'occuper de la famille à sa place...? Grand bien lui fasse!Et d'ailleurs bonne chance! Car il avait du boulot à la clé. Par Merlin, Sirius n'arrivait pas à comprendre comment son jeune frère pouvait supporter ces personnes à longueur de journée. Et jouer les lèches bottes en envoyant quotidiennement des nouvelles de ce qui se passait. De son côté, Sirius savourait ses jours au sein de Poudlard. Seul moments de paix, de tranquilité et d'indépendance. En compagnie de ses précieux et fidèles amis. Ces derniers étaient bien la seule chose précieuse à ses yeux. L'amitié était pour lui le lien le plus fort, à défaut d'autre chose. Il savait qu'il pouvait compter sur eux et qu'il n'en serait jamais déçu.

Sirius revint sur terre, ses yeux se reposant sur le visage froid et arrogant de Regulus. L'arrogance: marque de fabrique de la famille Black, il en était conscient. Lui même n'en était pas dépourvu. Décidé à rabattre le clapet de son frangin, le jeune homme le toisa et répondit d'un ton trainant:

" Si tu aimes tant que ça jouer les substituts, c'est ton problème. Pour ma part, on ne peut me reprocher d'être hypocrite et faible d'esprit. "

C'était cruel de sa part. Mais il avait appris qu'avec Regulus, il ne fallait pas faire dans la délicatesse. C'était le genre d'homme à comprendre les coups de poing au lieu des mots.

Jetant un coup d'oeil aux hiboux qui les entouraient, il ajouta sur le même ton:

" Tu as bien raconté tout ce qu'il fallait? Pour un peu, tu pourrais envisager de faire carrière en tant qu'espion. Ou fouineur, ce qui revient au même. Métier d'avenir, il y en peu ici. "

« Si tu aimes tant que ça jouer les substituts, c'est ton problème. Pour ma part, on ne peut me reprocher d'être hypocrite et faible d'esprit. »

« Tout comme on ne peut pas me reprocher d'être insubordonné et irresponsable, » rétorqua Regulus, une détermination farouche brillant dans son regard.

Le Serpentard maniait probablement mieux les mots que les poings, mais de toute manière, Sirius avait toujours le dessus sur lui, quel que fût le domaine dans lequel ils s'affrontaient. Le sentiment le plus fort que le garçon éprouvait à l'encontre de son aîné n'était peut-être pas la haine, juste la peur. Oui. Sirius lui faisait peur, parce qu'il ne le comprenait pas. Il ne saisissait pas toute la différence qu'il y avait entre eux, il ne comprenait pas comment ils avaient pu devenir deux êtres si différents en ayant pourtant reçu la même éducation, en partageant le même sang, et tout ceci l'effrayait parce qu'il craignait de faire un faux pas qui le mènerait dans les traces de son frère, et qu'il n'était pas sûr de le vouloir. A ses yeux, il était beaucoup plus facile de perdre un seul être que plusieurs, et si jamais il lui arrivait de devenir quelqu'un d'autre, quelqu'un comme Sirius, il perdrait sa famille toute entière.

Au final, tout ça n'était même plus une question de Bien ou de Mal, juste de préceptes tellement présents dans son esprit, tellement gravés dans sa chair et distillés dans son sang qu'il ne parvenait plus à s'en dépêtrer. Sirius lui faisait peur parce qu'il le faisait douter et remettre en question tout ce qu'on lui avait appris.

A la remarque de Sirius qui suivit, un sourire moqueur vint jouer sur les lèvres closes de son cadet. Il comptait le blesser avec ce genre d'allusions ?

« C'est toujours mieux que de finir comme un vulgaire bouffon destiné à amuser la galerie, » répondit-il tranquillement. Un Fou du Roi. C'était ce que Sirius était, à force de toujours faire des pitreries avec ses.. camarades. « Parce que c'est comme ça que tu finiras, Sirius. Tu as bien trop de problèmes avec l'autorité pour être capable de faire autre chose. »

Qu'était-ce donc ? Un avertissement ? Une menace ? Dans tous les cas, probablement quelque chose de faux. Regulus le savait, on ne le lui avait que trop répété, son frère était quelqu'un de brillant qui n'aurait probablement pas de problème à trouver de travail par la suite. Mais tous les moyens étaient bons pour heurter son aîné, de quelque manière que ce fût.

Lentement, Regulus promena son regard dans la pièce. Les chouettes et hiboux se tenaient étrangement silencieux, comme attentifs à chacun de leurs mots, chacuns de leurs mouvements. Ils avaient probablement dû percevoir toute la tension qui régnait entre les deux frères. Finalement, les animaux n'étaient peut-être pas aussi stupides qu'ils n'en avaient l'air. Son regard sombre revint se poser sur son frère.

Les remarques de Regulus étaient mesquines... Mais n'atteignirent pas Sirius. Car en réalité, il n’avait pas honte d’être le bouffon de service, comme son frère le disait si bien. Il préférait largement cela à d’autres rôles qu’on cantonnait aux gens. Au moins, lorsqu’on parlait de lui, on visualisait immédiatement quelqu’un de joyeux, amusant, et qui amuse la galerie. Tout le monde pouvait en dire autant ? Et d’ailleurs, seul les Serpentard se plaignaient de lui. Et comme il se fichait royalement de ces crétins, cela ne le dérangeait pas le moins du monde.

De plus, il ne définissait pas exactement son « rôle » ainsi. S’il faisait toutes ces blagues, et s’il enfreignait le règlement, ce n’était pas pour épater qui que ce soit, ou pour amuser les autres ! Non ! Loin de là ! Il le faisait pour s’amuser, être libre, et briser la monotonie ennuyeuse qui s’emparait souvent des élèves de Poudlard. Le sérieux n’emmenait à rien, sinon à la dépression. De plus, il avait réussi à se dégoter des acolytes d’enfer ! Que demander de plus ?!

Sirius affronta donc sans sourciller le regard sombre et identique au sien de son frère. Il le jugeait insouciant ? Et irresponsable ? Soit. C’était son point de vue. Pour sa part, le jeune gryffondor pensait que la vie valait la peine d’être vécue… et que les règlements avaient été crées pour être enfreints. Il avait des heures de colle, et alors ? Il faisait perdre de points à Gryffondor ? Pas de problème, Lupin compensait en travaillant dur et en répondant en cours. Il n’avait donc pas à culpabiliser… ou à devenir aussi barbant que l’était son petit frère, et ses acolytes.

Se décidant à changer de place et de position, Sirius s’avança vers le centre de la salle, ses yeux se détachant de Regulus pour aller observer les hiboux en hauteur. Il lui faisait ainsi clairement comprendre que son avis… ne l’importait guère. Enfin… si, d’une certaine manière. Il voulait savoir ce que son petit frère pensait de lui. Toutefois, il n’allait pas changer sa vie et son comportement à cause de lui ou de ses remarques. C’était donc comme s’il parlait à un mur. Reprenant tout à coup la parole, Sirius remarqua :

« Il ne me semble pas que je juge tes activités ou ton comportement… Je te prie donc de faire de même avec moi ! De toute manière, pour ce à quoi ça sert !! Les disputes, très peu pour moi ! »

Son ton était détaché. Il avait repris la parole après quelques minutes de silence, encore une fois. On aurait pu croire qu’il ignorait ce que disait Regulus mais non. Il répondait là où ils s’en étaient arrêtés.

Sirius semblait prendre tellement de temps à répondre que Regulus commençait à croire qu'il se moquait de lui. Alors, c'était ça, la répartie légendaire de Sirius Black ? Le prétendu acharnement qu'il était censé avoir lorsqu'on s'en prenait à lui n'était-il en réalité qu'un vulgaire tissu de mensonges ? Pourquoi ne lui répondait-il pas, par Salazar ?! Regulus aurait certes pu se dire qu'il avait enfin rabattu le caquet de son frère, mais même cette pensée qui lui effleura l'esprit un court instant ne parvint pas à le rendre malsainement joyeux. Il voulait qu'il réagisse avec rapidité, pas qu'il prenne le temps de chercher chacun de ses mots dans un dictionnaire. Sinon, quel intérêt avait-il à rester ici ? Pourquoi prendrait-il la peine de s'attarder en ce lieu, puisque son frère n'avait rien de mieux à lui opposer qu'un silence presque révoltant ?

Evidemment qu'il savait que son avis n'importait guère, pour ne pas dire pas du tout, au Gryffondor. De même qu'il savait que quelles que fussent ses infractions aux règlement, de toute manière, il y aurait toujours un autre valeureux Rouge & Or pour rattraper les points perdus. Oui, Regulus savait tout ça, mais il ne pouvait s'empêcher d'essayer. Essayer de faire réagir son frère, de quelque manière que ce fut. Parce qu'une telle passivité était tout bonnement insupportable.

L'expression du visage du Serpentard se fit plus hargneuse lorsque Sirius s'avança dans la pièce et porta son attention sur les hiboux. Comment osait-il accorder plus d'importance à ces stupides volatiles plutôt qu'à son propre cadet ? Il avait envie de lui hurler « REGARDE-MOI ! », mais évidemment, il n'en fit rien. Il se contenta de rester là, aussi immobile et froid que le marbre, les poings serrés, tellement fort que ses jointures en devenaient blanches, laissant une colère sourde et dangereuse se diffuser dans tout son être. « Regarde moi, » pensa-t-il de nouveau avec rage. Avec douleur. Les yeux du garçon n'étaient plus que deux billes noires difficiles à apercevoir derrière ses mèches sombres, et qui restaient fixées sur Sirius, scrutaient chacun de ses mouvements.

« Vraiment ? » cracha-t-il aussitôt lorsque Sirius eut répondu. « Il me semble que tu es pourtant d'humeur bien plus belliqueuse quand tu croises mes camarades de maison ! »

Il fut tenté d'ajouter « Quand tu t'en prends à Severus, par exemple » mais s'en abstint finalement. Severus n'avait strictement rien à voir là-dedans. Ici, maintenant, c'était eux. Sirius, et lui. Les deux frères qui ne semblaient plus l'être vraiment. Quelques secondes passèrent avant qu'il ne se décidât à ouvrir de nouveau la bouche.

« Et il m'avait également semblé que si, justement, tu me jugeais, » reprit-il avec amertume. « Mais pas forcément moi ! Tout le monde. Tout ceux qui portent les couleurs de ma maison. A croire qu'à partir du moment où on porte du vert et de l'argent, on est juste digne d'être les victimes de vos bagues hilarantes, » acheva-t-il froidement.

Sirius savait qu'il pouvait avoir tord. C'était le cas à présent... Enfin... d'une certaine manière. Ce qu'il venait de dire à Regulus était vrai. Il ne jugeait pas ce que son frère faisait. Si c'était le cas, il lui cracherait ses quatre vérités d'un seul coup. Car, jusqu'à maintenant, Sirius était loin de lui avoir dit toute sa façon de penser à propos de son comportement. Et s'il ne le faisait pas, c'est parce qu'il jugeait cela inutile. Cela allait-il changer quelques choses? Non. Regulus en avait décidé ainsi. C'était à lui de se débrouiller à présent. Quoiqu'il en soit, il ne voulait pas se disputer avec lui. Il savait d'avance que cela ne ménerait à rien.

Si cela n'avait tenu qu'à lui, il l'aurait abandonné ici et continué son chemin comme si de rien était. Mais la vérité, c'était qu'il se souciait un tant soit peu de son petit frère, même s'il n'en laissait rien paraitre. Voilà pourquoi il restait ici. Voilà pourquoi il tentait d'avoir un semblant de conversation avec lui. Et voilà aussi pourquoi il ne voulait pas se disputer.

Poussant un soupire lasse, Sirius leva les yeux au ciel à la mention des Serpentard. Se passant une main dans ses cheveux rebelles, il rétorqua aussitôt d'un air arrogant:

" Là, c'est une autre histoire frangin! Ne mèle pas ceux de ta maison à notre histoire. Tu sais trés bien que ce n'est pas d'eux dont on parlait. Mais de toi et moi. C'est une affaire de famille et non d'Etat. Les Serpentards sont des crétins finis, arrogants, froids et cruels. Et je n'ai pas du tout mauvaise conscience lorsque je leur joue un mauvais tour. Car ce que je leur fais est certes désagréable mais pas douloureux. Peut-on en dire autant de leur pratique?"

Il laissa quelques secondes de silence s'installer entre eux. Il ne fallait surtout pas commencer sur ce sujet là avec Sirius. Car là, il était intenable. Tout le monde connaissait la haine de Black vis à vis des vert et argentés, tout particulièrement des personnes ressemblant à sa famille.

Cette conversation commençait à l'ennuyer sérieusement. Pourquoi donc l'avait-il commencée ? Pourquoi n'avait-il pas simplement passé son chemin ? Il savait pourtant pertinemment qu'il ne pouvait pas discuter plus de 5 minutes de manière civilisée avec son aîné. Et là, la conversation était en train de s'engager sur un terrain des plus dangereux, dans lequel chaque mot comptait. Au fond, ça finissait toujours comme ça. L'éternelle rivalité des Gryffondors et des Serpentards prenait le dessus sur leur lien du sang, de même que les actes que les mangemorts perpétraient dans le pays. Et pourtant, ne pouvait-il s'empêcher de s'interroger, en quoi cela les concernait-il ? Sirius n'était pas un Auror, et lui-même n'était pas un Mangemort, alors d'où venait ce besoin incessant de toujours remettre ce point sur le tapis de leurs conversations houleuses ? Jusqu'à présent, Regulus ne s'était jamais vraiment senti concerné par tout ça, mais il avait parfois l'impression qu'aux yeux de tous, il était évident qu'il finirait par s'engager un jour. Bellatrix ne tarissait pas d'éloges sur les pratiques du Seigneur des Ténèbres, les conversations de la salle commune tournaient autour des récits qu'on pouvait lire dans la Gazette du Sorcier, et même ses parents évoquaient avec admiration les idées de ce Lord.

Lui, ce dont il se rendait compte, c'était qu'un pas dans cette direction l'entrainerait certainement encore plus loin de Sirius qu'il ne l'était déjà, et le petit garçon qu'il avait soigneusement enfoui tout au fond de lui ne se sentait pas le courage de prendre une telle décision.

L'espace d'une seconde, Regulus fut tenté de tourner les talons et laisser la conversation là où elle en était. Après tout, il savait qu'elle ne mènerait à rien, alors pourquoi s'obstiner ? Mais voilà, cela aurait été fuir, et Regulus ne voulait pas fuir, surtout pas face à son frère. Plutôt les coups et les injures que de courber l'échine face à lui.

Les poings serrés, il fit un pas vers son aîné et rétorqua avec rage :

« Et toi, ne mélange pas tout ! A défaut d'être raisonnable, sois au moins lucide. Les Serpentards n'ont rien à voir avec ce qu'il se passe à l'extérieur. Tu parles d'eux comme s'ils étaient responsables des actes décrits dans la Gazette, comme s'ils blessaient et tuaient des gens, mais tu sais pertinemment que c'est faux ! »

Il secoua la tête et soupira, las de cette conversation sans issue. Comme toutes les autres.

« Si tu ne veux pas que je mêle Serpentards et famille, aie au moins la décence de ne pas mettre tout le monde dans le même panier, » acheva-t-il avec une colère froide.

Sirius avait décidément le don de l'irriter au plus haut point. Il était stupide, et borné, et fier comme un Hippogriffe, et si sûr de lui que personne ne pouvait le faire changer d'opinion. Non sans ressentir une pointe de satisfaction, Regulus se rendit compte que Sirius était un Black. Il aurait beau faire tout ce qu'il voulait, il aurait toujours des attitudes typiques de la famille, des réactions, des façons d'être qui attesteraient que le sang de la famille coulait dans ses veines. Quelles que fussent les idées auxquelles il adhérait, il les défendrait avec autant d'ardeur que Regulus, parce que ça coulait dans leurs veines. C'était aussi naturel que de respirer ou de cligner des yeux.

Comme il s'y était attendu, Regulus réagit au quart de tour. Quoi de plus normal? Il prenait la défense "des siens". De sa maison. Aprés avoir pris celle de sa famille. Sirius en avait la nausée. Quoique Regulus puisse lui dire, il ne changerait jamais d'avis à propos des Serpentards. Il ne pouvait les supporter. Lorsqu'il les croisait, s'il leur faisait des blagues, c'était surtout pour s'empecher de leur mettre sur la figure. Il ne pouvait voir leur air arrogant, supérieur... pur... Quelle bande d'hypocrites, de parasites!

Regulus avait beau dire... Il ne fallait pas se leurer. Les Mangemorts resortaient TOUS de Serpentards. Sans exception. Aprés tout, Vous-Savez-Qui faisait partis lui aussi de cette horrible maison. Cela voulait tout dire en soit, c'est en tout cas, ce que pensait Sirius. De plus, même si les Serpentards de Poudlard n'étaient en rien concernés par les évenements exterieurs, on ne pouvait nier le fait que les coupables étaient pour la plupart du temps des membres de leur famille. Parents, cousins ou autres. Ils était donc BIEN liés, et concernés.

" Si tu ne veux pas que je mêle Serpentards et famille, aie au moins la décence de ne pas mettre tout le monde dans le même panier"

Oh oh! Sirius ne put s'empecher de rire à cette remarque. Digne de son frère!! Pour un peu, il avait l'impression que son frère lui demandait d'être compréhensif, comme s'il cherchait à se racheter auprés de lui. Cependant, Sirius se doutait bien que ce n'était pas le cas. Aprés tout, que représentait son opinion pour Regulus? Pas grand chose, visiblement. Ils n'en seraient pas là dans le cas contraire.

Il avait beau se dire que la situation était désespérée, il ne pouvait cependant pas laisser son frère en plan et partir sans rien ajouter. Pourquoi? Peut-être parce qu'il n'était pas si insensible que cela. Aprés tout, malgré leur différent, malgré leurs problèmes respectifs, et leur famille qui les montait l'un contre l'autre... c'était tout de même son petit frère. Et il ressentait malgré tout le besoin de le protéger... d'une quelconque manière.

Secouant la tête, Sirius arbora une expression pour le moins désolé. Il fit quelques pas, prés de la fenêtre, avant de reprendre la parole, ignorant délibérement la dernière remarque de son frère.

" Je crois qu'il vaut mieux pour nous que l'on s'en tienne à ça... Pour un peu, on en viendrait à dire des choses que l'on regretterai par la suite..."

Etait-il sérieux ou ironique? Difficile à dire. Il avait même du mal à le dire lui même. A moins que cela soit de l'amertume... Probablement. C'était toujours le sentiment dominant lorsqu'il faisait face à Regulus. Ne pouvaient-ils donc pas faire évoluer les choses? Au lieu de se disputer toujours sur les même sujets.

Ils n'avaient pas la même manière de penser. Le sang qui coulait dans leurs veines avait beau les lier irrévocablement, ils étaient différents et aucun ne voulait se soumettre à l'autre. Aucun ne voulait se risquer à accorder à l'autre la confiance qu'ils avaient un jour partagée, à cause de ce gouffre qui les séparait. Regulus avait souvent entendu dire que lorsqu'on aime vraiment une personne, on doit l'accepter telle qu'elle est. Avec ses qualités, ses défauts, ses opinions, ses habitudes. Alors, d'où venait ce besoin incessant d'essayer de modeler l'autre à son image, selon ses propres désirs ? Etaient-ils tous deux trop bornés pour s'accepter mutuellement, ou bien ne s'aimaient-ils simplement pas autant que Regulus s'était pris à le penser lorsqu'il était plus jeune ? Un immense et désagréable sentiment d'abandon pesait sur le coeur du Serpentard. Toutes ces belles promesses, toutes ces soirées passées dans la chambre de l'un ou de l'autre, à discuter de choses et d'autres jusqu'à des heures que leur mère aurait qualifiées d'intolérables, Sirius avait-il donc oublié tout cela ? Cela avait-il compté pour lui, un jour ? Le regard éternellement accusateur de son aîné semblait accentuer le moindre de ses faux pas, mettre en valeur chacun de ses défauts. Avait-il conscience que son jugement avait de l'importance ? Probablement pas. Regulus lui-même ne s'en rendait pas vraiment compte.

Sirius avait également le don de faire naître chez lui des sentiments très différents, et ce en seulement quelques secondes d'intervalle. Regulus fut d'ailleurs tenté de lui mettre son poing dans la figure lorsqu'il éclata de rire à ses paroles. Alors c'était ça ? Il le faisait rire ? Les poings serrés à s'en faire blanchir les jointures, les ongles presque douloureusement enfoncés dans ses paumes, le Serpentard était partagé entre l'envie de tourner les talons pour s'en aller et se jeter sur son frère pour le frapper, le faire réagir, n'importe comment. Comme il pouvait le haïr lorsqu'il ne lui témoignait qu'indifférence et moquerie ! Pourquoi ne répondait-il pas ? Pourquoi s'obstinait-il ainsi à ignorer tout ce que son coeur lui hurlait en silence ? Pourquoi ne le comprenait-il pas, sans chercher à y parvenir ?

A la seule réponse que Sirius daigna lui fournir, son cadet lui lança un regard douloureux qu'il ne remarqua probablement pas, trop occupé qu'il était à regarder par la fenêtre. Et c'était tant mieux, d'ailleurs. Il secoua la tête en se détournant pour rejoindre la porte, un sourire chargé d'amertume plaqué sur les lèvres. C'était ça, oui. L'amertume. Qui alimentait sa colère tout en alourdissant son coeur. Il n'aimait pas ce sentiment, et pourtant, son frère le faisait naître en lui avec une facilité déconcertante.

« C'est ça, oui. On a probablement dépassé ce stade-là depuis bien longtemps, alors n'essaie pas de me faire croire que tu y accordes encore une quelconque importance, » ne put-il s'empêcher de répondre à voix basse. Il eut la désagréable impression que le ressentiment perçait trop nettement dans son ton.

Peut-être que Sirius l'entendrait, peut-être qu'il comprendrait ce qu'il voulait dire, Regulus s'en moquait. Il n'avait plus qu'une envie : sortir de cette pièce sur le champ, avant de dire quelque chose qu'effectivement, il risquerait de regretter. Pas parce que ses paroles seraient cruelles, mais parce qu'il craignait qu'elles ne fussent dégoulinantes de sincérité, et il ne pouvait se résoudre à laisser tomber le masque devant son frère.

Sans d'autre parole ni regard en arrière, il ouvrit la porte et s'engagea sans plus tarder dans l'escalier. La volière, pourtant la pièce sûrement la plus aérée du Château, lui semblait à présent suffocante. Pourquoi avait-il constamment l'impression qu'on lui demandait de choisir entre son frère et le reste de sa famille ?

« C'est ça, oui. On a probablement dépassé ce stade-là depuis bien longtemps, alors n'essaie pas de me faire croire que tu y accordes encore une quelconque importance. »

Sirius ne cilla pas et se contenta de garder le silence, bien qu'au fond de lui même, son sang bouillait ardemment. Son frère quitta la pièce sans un regard en arrière ni aucune autre parôle. Ce n'est que lorsque la porte se referma derrière lui que les épaules de Sirius se voutèrent et qu'il poussa un soupire lasse. Ses yeux fixèrent le sol un instant. Impasse. Ils se trouvaient dans une impasse Regulus et lui. Peu importe ce qu'ils faisaient, peu importe ce qu'ils se disaient, cela finissait toujours de la même manière. Impossible d'y remédier. Pour cela, il aurait fallu changer soit l'un soit l'autre... ou changer toute la famille Black...

La jeune homme se redressa brusquement, et avec un cri de rage, envoya un des petites récipiants qu'emmenait les élèves pour les chouettes, voltiger à travers la pièce. Elle percuta bruyament le mur avant de retomber lourdement sur le sol. Cela n'avait réussi qu'à le soulager un instant car déjà la colère remontait en lui. Il n'aimait pas cette situation en suspens. Il ne pouvait plus vivre sous le même toi que sa famille. Croiser son frère dans les couloirs sans que ce dernier ne lui adresse le moindre regard, comme s'il n'était finalement qu'un étranger. Il ne pouvait plus le supporter. Il préférait encore partir, quitter la maison familiale. Adieu sa magnifique chambre remplie d'écharpe de Gryffondor et de poster de mannequin moldus! Il ferait en sorte que ces derniers ne puissent se détacher du mur... Pour faire rager ses parents même lorsqu'il ne serait plus là!

Oui, c'était la meilleure chose à faire. Sa discussion avec Regulus ne lui avait apporter qu'une confirmation. Dès que possible, il partirait chez les Potter. Il s'y sentirait à coup sur, plus en sécurité qu'à Square Grimmaurd...

Aprés quelques secondes de suspens où il ne se contentait que de respirer bruyament, Sirius prit une profonde inspiration. Il s'étira de toute sa longueur et rouvrit la porte de la volière, prés à retrouver ses éternels maraudeurs...